Les coquelicots
Qui pourrait imaginer que ces magnifiques champs de coquelicots qui nous émerveillent tant chaque année sont les symboles des soldats tombés sur les champs de batailles, curieux non? L'explication est simple, sur les champs de combats de la première guerre mondiale, les soldats qui avaient passé plusieurs printemps dans leurs tranchées avaient pu voir que les coquelicots étaient les seules et les premières plantes qui sortaient des sols retournés par les bombardements. Les poilus disaient alors que c'était le sang de leurs frères morts qui ressortait de terre. Comme une marée, il arrivait en quelques jours que la campagne se couvre d'un flot vermillon avant qu'elle soit à nouveau salie, gâchée par les nouveaux bombardements. Cela m'amène à ce grand père que j'ai perdu là par un sombre matin, au fond d'un trou, à Douaumont, terme d'une vie bêtement perdue à cause de la folie des hommes, rompant ainsi les promesses d'amour à sa femme Hélène et à ces enfants Pierre et germaine. Dans ce moment de séparation et de tumulte, ils s'écrivaient tous les jours jusqu'à ce grand silence qui remplit, après, le reste de la vie de ma grand mère. En l' honneur, de ce mari perdu, elle reprit à elle seule, sur la fin de sa vie, le projet qu'ils avaient avant la guerre: avoir une ferme. A-t-elle pensé à lui en regardant les champs de coquelicots alors qu'elle surveillait ses chèvres? Si au seul fait d'écrire ces mots aujourd'hui, près de cent ans plus tard, ma gorge se serre et mes yeux s'embrument, ces coquelicots si fragiles et si éphémères me ramènent toujours à mes aïeux chéris qui m'accompagnent encore et dont je porte en moi la force et cette détermination qui se retrouve chaque année pendant un temps ou la campagne s'enflamme.
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